Où
se trouve le siège de l’identité ? Est-ce dans notre cerveau, notre tête ? Ou est-ce dans le corps ?
Voilà la question que se pose Hubbert Haddad dans son roman aux allures de
science-fiction. Corps désirable oscille
entre rationalisme et sensualisme.
Cédric,
journaliste d’investigation qui met en danger l’industrie pharmaceutique, est
victime d’un accident. Il plonge dans le coma, le pronostic vital est engagé,
les médecins n’ont pas d’espoir. Jusqu’ici, rien d’anormal. Mais, c’est sans
compter sur le père de Cédric, grand ponte d’un des plus grands groupes
industriels dont il dénonce les abus. Ce père écrasant met en jeu toute sa
fortune pour sauver la vie de son fils, et engage l’un des chirurgiens les plus
novateurs dans le domaine de la greffe : il va greffer un nouveau corps
à la tête de Cédric. Où est-ce la tête de Cédric qui sera greffée à un nouveau
corps ? Là se dessine tout l’enjeu du roman.
Après
cette greffe, ce sera la lente réappropriation ou au contraire le dessaisissement
d’un corps qu’il ne connaît pas et qui semble lui-même le méconnaître. Le
cerveau tente de recoller les morceaux d’une identité qui s’évapore. L’identité
ne siège visiblement pas que dans notre tête, comme l’Occident l’impose. Le
corps, ce corps mémoriel, où les sens ont laissé des traces indélébiles du
passé, parle, et la tête ne le comprend pas, ou plus. Le roman joue sur cette antinomie entre la tête et
le corps, que nous passons toujours en second. Ce jeu s’inscrit aussi dans
les lieux : lorsqu’il rentre dans son appartement parisien, Cédric cherche
un retour à une identité connue, consciente, qui est celle de son cerveau.
Mais, comprenant qu’il manque quelque chose, il laisse lentement son corps prendre les rennes de son existence. Il va tenter de trouver à qui appartenait ce corps qui n’est pas le sien en espérant retrouver une unité. Le premier signe de
cette identité est un symbole sur son corps, un tatouage représentant un
gonfalon sicilien. Il s’embarque alors pour la Sicile. Ce passage vers une île
de la méditerranée marque l’entrée de l’homme dans la sensibilité et la sensualité du corps. Une femme reconnaîtra ce corps, celui de son amant. Il vivra
d’étranges et fabuleuses nuits d’amour avec cette femme qu’il ne connaît pas,
mais que son corps reconnaît.
Le
corps est aussi question de désir. Lorna, la femme de Cédric, se posera la
question de ce corps désirable qui la pénétrera. De même, voyant l’ardeur avec
laquelle sa femme lui fera l’amour, Cédric doutera. A quel homme se
donne-t-elle ainsi ? Est-ce à ce corps robuste et beau, ou à sa tête, qui le représente en tant qu’individu ?
Un
roman étonnant, une langue superbe qui dit juste, qui questionne poétiquement
tout en gardant la technicité de la science-fiction. Un ovni littéraire !
Corps désirable, Hubbert Haddad,
Zulma, 16,50€
Août 2015
A signaler : Ma, un deuxième roman d'Hubbert Haddad sorti presque en même temps que Corps désirable, est un roman très beau sur la marche, le désir de vie ou de mort, sur le Japon.
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