3 août 2015

Le Divin, Asaf, Luther Hanuka et Boaz Lavie




Le point de départ de cet album ? Une photographie, celle deux enfants, de deux frères jumeaux, Johnny et Luther Htoo, qui prirent en otage 800 personnes durant le conflit birman au début des années 90. Devant cette photo, nous sommes confrontés aux ravages de la guerre et à la réalité des enfants soldats, marqués par la perte de l’innocence, des enfants devenus adultes trop tôt dans la violence et la cruauté.

A seulement 12 ans, Johnny et Luther Htoo furent les leaders d’un groupe de réfugiés appelés les Karens. Il s’agit d’un groupe ethnique tibéto-birman. Ce groupe combattit l’armée birmane, qui les avait exilés et privés de leur terre. Les jumeaux luttèrent sous le nom de « L’Armée de Dieu ». Une véritable légende se construisit autour de ce regroupement et en particulier autour des deux frères : dotés de pouvoirs surnaturels,  ils auraient été capables de survivre aux armes birmanes.

Les trois auteurs du Divin se sont inspirés de cette photographie et de la légende qui y était associée pour imaginer un conte cruel sur les enfants-soldats. Entre la naïveté du personnage principal, l’ego surdimensionné de son supérieur bodybuildé et la fausse innocence des jumeaux, les créateurs entraînent leurs lecteurs sur un champ de mines, dans lequel ils ne sont jamais à l’abri d’être surpris par une bombe. Mark, le personnage principal, après avoir soigné un  jeune enfant retrouvé en pleine forêt birmane, est kidnappé par un groupe d’enfants âgés d’environ neuf ans. Il est alors témoin des nombreux pouvoirs des deux leaders, capables d’invoquer les esprits ou de désamorcer une bombe par la simple pensée. L’histoire se termine en conte fantastique, effrayant, où les pouvoirs surnaturels jaillissent de la douleur des exilés, en gerbe rose et rouge, mélange de magie et de sang.

J’ai eu du mal à m’adapter au style graphique dans un premier temps. C’est la première fois que j’étais confronté à ce type de dessin qui m’a un peu déstabilisée. Les couleurs sont cependant magnifiques, et les dominantes rappellent les couleurs de la guerre, celles des treillis. Seuls les éléments fantastiques prennent d’autres teintes, ce qui contribue à l’effet de surprise. Un petit plus avec les illustrations sur une planche entière, présentes à la fin de l’album et qui sont particulièrement splendides.

                Pour moi, c’est un bel album que j’ai aimé pour son traitement du problème ethnique : l’opposition comparative de la technique froide de la guerre, des armes modernes et des légendes traditionnelles souligne l’incapacité de la technique face à la force des croyances. Les pouvoirs surnaturels repoussent les engins de mort contemporains. Un authentique plaisir esthétique et un bon traitement de la problématique guerrière.

Le Divin, Asaf et Luther Hanuka (dessins et couleurs), Boaz Lavie (scénario)

Dargaud, 20,90€.
Janvier 2015

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