Le point de
départ de cet album ? Une photographie, celle deux enfants, de deux frères
jumeaux, Johnny et Luther Htoo, qui prirent en otage 800 personnes durant le
conflit birman au début des années 90. Devant cette photo, nous sommes
confrontés aux ravages de la guerre et à la réalité des enfants soldats,
marqués par la perte de l’innocence, des enfants devenus adultes trop tôt dans
la violence et la cruauté.
A seulement 12
ans, Johnny et Luther Htoo furent les leaders d’un groupe de réfugiés appelés
les Karens. Il s’agit d’un groupe ethnique tibéto-birman. Ce groupe combattit
l’armée birmane, qui les avait exilés et privés de leur terre. Les jumeaux
luttèrent sous le nom de « L’Armée de Dieu ». Une véritable légende
se construisit autour de ce regroupement et en particulier autour des deux
frères : dotés de pouvoirs surnaturels,
ils auraient été capables de survivre aux armes birmanes.
Les trois
auteurs du Divin se sont inspirés de
cette photographie et de la légende qui y était associée pour imaginer un conte
cruel sur les enfants-soldats. Entre la naïveté du personnage principal, l’ego
surdimensionné de son supérieur bodybuildé et la fausse innocence des jumeaux,
les créateurs entraînent leurs lecteurs sur un champ de mines, dans lequel ils
ne sont jamais à l’abri d’être surpris par une bombe. Mark, le personnage
principal, après avoir soigné un jeune
enfant retrouvé en pleine forêt birmane, est kidnappé par un groupe d’enfants
âgés d’environ neuf ans. Il est alors témoin des nombreux pouvoirs des deux
leaders, capables d’invoquer les esprits ou de désamorcer une bombe par la
simple pensée. L’histoire se termine en conte fantastique, effrayant, où les
pouvoirs surnaturels jaillissent de la douleur des exilés, en gerbe rose et
rouge, mélange de magie et de sang.
J’ai eu du mal
à m’adapter au style graphique dans un premier temps. C’est la première fois
que j’étais confronté à ce type de dessin qui m’a un peu déstabilisée. Les
couleurs sont cependant magnifiques, et les dominantes rappellent les couleurs
de la guerre, celles des treillis. Seuls les éléments fantastiques prennent
d’autres teintes, ce qui contribue à l’effet de surprise. Un petit plus avec
les illustrations sur une planche entière, présentes à la fin de l’album et qui
sont particulièrement splendides.
Pour
moi, c’est un bel album que j’ai aimé pour son traitement du problème
ethnique : l’opposition comparative de la technique froide de la guerre,
des armes modernes et des légendes traditionnelles souligne l’incapacité de la
technique face à la force des croyances. Les pouvoirs surnaturels repoussent les
engins de mort contemporains. Un authentique plaisir esthétique et un bon
traitement de la problématique guerrière.
Le Divin, Asaf et Luther Hanuka (dessins et couleurs), Boaz Lavie
(scénario)
Dargaud, 20,90€.
Janvier 2015
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