23 octobre 2015

La Nef des sorcières, Collectif

                En ces jours, où l’on réduit la nature de la femme a du superflu (non, gérer les règles, ce n’est pas de première nécessité, voyons !), entendons les voix des femmes, dans leur intimité, dans leur différence, dans leur force vive, dans leur authenticité. Nos aînées l’ont fait, ont pris la parole, mais on tente toujours d’étouffer leur flamme, leurs voix qui se sont élevées. Il y a autant de voix que de femmes et c’est cette diversité qui jaillit des monologues de La Nef des sorcières.

                La Nef des sorcières consiste en huit monologues. Chaque voix de femmes est tirée d’une voix d’une écrivaine québécoise. L’intimité prend la parole. Mais le voyeurisme d’une intimité violée laisse place à un dévoilement public, une confidence. Si la parole se libère, c’est bien grâce au processus théâtral qui donne à la femme sur scène l’occasion de se confronter à la sphère publique et d’assumer son identité. La double énonciation est mise à mal à plusieurs reprises afin de sortir le spectateur de son rôle passif, pour le placer dans un rôle de témoin. On interpelle ceux qui sont confortablement assis dans leur fauteuil. Le spectateur/ice est témoin et en tant que témoin est invité à se poser des questions sur le témoignage donné. On le questionne, pour que lui-même questionne le modèle de société qui se dessine derrière le discours de ces femmes qui ne sont regardées que superficiellement. Le spectateur ne peut plus les ignorer, et jouer l’innocence. Il porte en lui leur drame.

Les murs de la morale tombent, s’affaissent. La parole se libère progressivement pour certaine, violemment pour d’autres. La diversité de la féminité s’impose aux yeux des spectateurs. Non, il n’y pas LA femme, ce stéréotype. Il y a des femmes, des féminités, des individualités. C’est cela aussi le féminisme : convaincre la société de cette diversité. Nous pourrions voir dans ces monologues, des types de femmes, construits de manière artificielle. Mais, au détour des mots, des phrases et des silences, des cris et des violences, chaque femme retrouve une partie d’elle-même. Toutes portent une sorte d’universalité dans leur parole. Elles sont les femmes d’hier et d’aujourd’hui, et espérons de moins en moins celles de demain. Car c’est leur silence qu’elles font entendre. Le silence d’une vie.


                Je ferais une mention spéciale de ce passage, aux résonances éco-féministes :
« Je t’ai fourni les enfants pour faire ton univers.
Je te fournissais la matière, toi, tu créais avec.
Avec ma chair et mon sang, tu nous as bâti un monde dans lequel on ne peut plus vivre personne ; ni toi, ni moi, ni nos enfants, ni les oiseaux, ni les poissons, ni les arbres… »

La Nef des sorcières, Collectif
première édition 1976
Typo Théâtre, 2014

15,65 €

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