En
ces jours, où l’on réduit la nature de la femme a du superflu (non, gérer les
règles, ce n’est pas de première nécessité, voyons !), entendons les voix
des femmes, dans leur intimité, dans leur différence, dans leur force vive,
dans leur authenticité. Nos aînées l’ont fait, ont pris la parole, mais on
tente toujours d’étouffer leur flamme, leurs voix qui se sont élevées. Il y a
autant de voix que de femmes et c’est cette diversité qui jaillit des
monologues de La Nef des sorcières.
La
Nef des sorcières consiste en huit monologues.
Chaque voix de femmes est tirée d’une voix d’une écrivaine québécoise.
L’intimité prend la parole. Mais le voyeurisme d’une intimité violée laisse
place à un dévoilement public, une confidence. Si la parole se libère, c’est bien
grâce au processus théâtral qui donne à la femme sur scène l’occasion de se
confronter à la sphère publique et d’assumer son identité. La double
énonciation est mise à mal à plusieurs reprises afin de sortir le spectateur de
son rôle passif, pour le placer dans un rôle de témoin. On interpelle ceux qui
sont confortablement assis dans leur fauteuil. Le spectateur/ice est témoin et
en tant que témoin est invité à se poser des questions sur le témoignage donné.
On le questionne, pour que lui-même questionne le modèle de société qui se
dessine derrière le discours de ces femmes qui ne sont regardées que
superficiellement. Le spectateur ne peut plus les ignorer, et jouer
l’innocence. Il porte en lui leur drame.
Les murs de la
morale tombent, s’affaissent. La parole se libère progressivement pour
certaine, violemment pour d’autres. La diversité de la féminité s’impose aux
yeux des spectateurs. Non, il n’y pas LA femme, ce stéréotype. Il y a des
femmes, des féminités, des individualités. C’est cela aussi le féminisme :
convaincre la société de cette diversité. Nous pourrions voir dans ces
monologues, des types de femmes, construits de manière artificielle. Mais, au
détour des mots, des phrases et des silences, des cris et des violences, chaque
femme retrouve une partie d’elle-même. Toutes portent une sorte d’universalité
dans leur parole. Elles sont les femmes d’hier et d’aujourd’hui, et espérons de
moins en moins celles de demain. Car c’est leur silence qu’elles font entendre.
Le silence d’une vie.
Je
ferais une mention spéciale de ce passage, aux résonances éco-féministes :
« Je t’ai fourni les enfants
pour faire ton univers.
Je te fournissais la matière,
toi, tu créais avec.
Avec ma chair et mon sang, tu
nous as bâti un monde dans lequel on ne peut plus vivre personne ; ni toi,
ni moi, ni nos enfants, ni les oiseaux, ni les poissons, ni les arbres… »
La Nef des sorcières, Collectif
première édition 1976
Typo Théâtre, 2014
15,65 €
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