7 octobre 2015

Le garçon qui voulait se déguiser en reine de Sandra Desmazières et Elsa Valentin

Le garçon qui voulait se déguiser en reine, un album jeunesse publié chez L’Initiale en octobre 2014, bouleverse les codes du genre. Les albums jeunesse apparaissent généralement très genrés, tel titre sur les pompiers pour les garçons et tel autre sur les princesses pour les filles. Le titre donné à cet album impose déjà un programme : Nino désire s’habiller en reine pour le Carnaval. « En roi ? » demande le père. Non, non, non ! En REINE ! Nino essuie les moqueries et les incompréhensions de la famille. Père, mère et sœur ridiculisent l’idée de l’enfant, ou encore infantilisent son souhait. Qu’à cela ne tienne ! Il fera la révolution en protestant par une « déclaration d’indépendance révolutionnaire et royale » :

Article 1 : Les filles et les garçons naissent égaux en droit de déguisement.
Article 2 : Le jour du carnaval, les petits choisissent et les grands obéissent.
Article 3 : En conséquence je me déguiserai en reine.

Quelques principes fondamentaux, mais qu’il est nécessaire de rappeler. Cet étonnant coup d’état familial porte ses fruits, et il imposera à tous les lois du carnaval : la substitution d’un genre à l’autre. Le père porte fièrement la cape rouge du Petit Chaperon rouge et la mère exhibe ses longues dents de loup. Et Nino ? Il descend royalement l’escalier dans sa robe couleur de l’arc-en-ciel et sur sa tête trône une magnifique couronne.



Au-delà d’un album sur la question du genre, l’intrigue substitue les valeurs de la spontanéité et de la simplicité aux éternelles tergiversions des adultes sur les explications à donner à un souhait dérangeant les codes sociaux. L’enfant désirant se déguiser en reine, ne cache pas une homosexualité refoulée. Il aime les couleurs, les volants, et la couronne étincelante de la reine et souhaite s’en parer. Les auteurs ramènent ainsi l’histoire de genre à une question de simplicité enfantine. Le carnaval est avant tout, et ce depuis le Moyen âge, la fête durant laquelle les festivaliers échangent leurs rôles sociaux. Cet aspect social, voire même politique, disparaît aujourd’hui de plus en plus, malgré la nécessité d’interroger les postures traditionnels. Le travestissement de l’enfant est traité de manière naturelle et ce traitement permet de prévenir les clichés et les moqueries. Cet album s’adresse à la fois aux parents et aux enfants, peut-être même davantage aux premiers, car c’est bien souvent des adultes que jaillissent les incompréhensions qui resurgissent dans la bouche des enfants sous forme de railleries.


Moralement inévitable ! 

Le Garçon qui voulait se déguiser en reine
Elsa Valentin et Sandra Desmazières
L'Initiale
12

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