Le garçon qui voulait se déguiser en reine, un album jeunesse
publié chez L’Initiale en octobre 2014, bouleverse les codes du genre. Les
albums jeunesse apparaissent généralement très genrés, tel titre sur les
pompiers pour les garçons et tel autre sur les princesses pour les filles. Le titre
donné à cet album impose déjà un programme : Nino désire s’habiller en
reine pour le Carnaval. « En roi ? » demande le père. Non, non,
non ! En REINE ! Nino essuie les moqueries et les incompréhensions de
la famille. Père, mère et sœur ridiculisent l’idée de l’enfant, ou encore
infantilisent son souhait. Qu’à cela ne tienne ! Il fera la révolution en
protestant par une « déclaration d’indépendance révolutionnaire et royale » :
Article 1 : Les filles et les garçons naissent égaux en droit de
déguisement.
Article 2 : Le jour du carnaval, les petits choisissent et les
grands obéissent.
Article 3 : En conséquence je me déguiserai en reine.
Quelques
principes fondamentaux, mais qu’il est nécessaire de rappeler. Cet étonnant
coup d’état familial porte ses fruits, et il imposera à tous les lois du
carnaval : la substitution d’un genre à l’autre. Le père porte fièrement
la cape rouge du Petit Chaperon rouge et la mère exhibe ses longues dents de
loup. Et Nino ? Il descend royalement l’escalier dans sa robe couleur de l’arc-en-ciel
et sur sa tête trône une magnifique couronne.
Au-delà d’un
album sur la question du genre, l’intrigue substitue les valeurs de la spontanéité
et de la simplicité aux éternelles tergiversions des adultes sur les
explications à donner à un souhait dérangeant les codes sociaux. L’enfant
désirant se déguiser en reine, ne cache pas une homosexualité refoulée. Il aime
les couleurs, les volants, et la couronne étincelante de la reine et souhaite s’en
parer. Les auteurs ramènent ainsi l’histoire de genre à une question de simplicité
enfantine. Le carnaval est avant tout, et ce depuis le Moyen âge, la fête
durant laquelle les festivaliers échangent leurs rôles sociaux. Cet aspect
social, voire même politique, disparaît aujourd’hui de plus en plus, malgré la
nécessité d’interroger les postures traditionnels. Le travestissement de l’enfant
est traité de manière naturelle et ce traitement permet de prévenir les clichés
et les moqueries. Cet album s’adresse à la fois aux parents et aux enfants,
peut-être même davantage aux premiers, car c’est bien souvent des adultes que
jaillissent les incompréhensions qui resurgissent dans la bouche des enfants
sous forme de railleries.
Moralement inévitable !
Le Garçon qui voulait se déguiser en reine,
Elsa Valentin et Sandra Desmazières
L'Initiale
12€
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